De Chaudron-en-Mauges à Notre-Dame-des-Gardes
23 avril 2015
Chaudron-en-Mauges (49), départ 7h30.
La chambre d’hôte est à Chaudron-en-Mauges. Une belle journée, des personnes agréables et fort sympathiques. Je suis tout à fait d’accord avec Joachim du Bellay. Un bon petit déjeuner à 7 heures et c’est parti pour une trentaine de kilomètres. Un ouvrage sur la région, de J. Brevet, raconte que Charlemagne, vainqueur contre les Bretons à la Mare Bataillère, à « Maulimart » était en possession du saint Graal. Il l’aurait déposé sur le tombeau de Saint-Florent. Ensuite ? On ne sait pas.
Une bonne odeur de foin coupé envahit la campagne. Des rouleaux de granit d’environ un mètre de diamètre sont visibles devant les maisons, dans la construction des calvaires. D’où venait ce granit ? Quelle était l’utilisation première de ces rouleaux ?
Entre la Salle-Aubry et la Chapelle-Aubry, un chemin gravillonné, séparé de la route par des bosquets, permet de marcher agréablement et en toute sécurité. Une belle innovation qui mériterait d’être réalisée plus fréquemment. Cela inciterait peut-être à prendre plus souvent la bicyclette ou à aller à pied. Une initiative à poursuivre.
Une dame avec qui je discute 5 minutes, me dit « et vous avez laissé votre femme toute seule », incroyable, ma femme est à la maison, au chaud, tranquille et moi, je me traîne sur les routes, avec mes ampoules, eh bien la compassion va à ma femme. Où est la justice ? Lorsqu’elle me lance « bon courage », je crois lire dans ses yeux qu’elle me voit avec une croix et une couronne d’épines alors que j’ai un sac à dos et un feutre noir. Ce « bon courage » voulait dire que j’avais certainement mal agi pour en arriver là. A méditer.
Dans mon équipement, il me manque les chansons à marcher, je n’en connais aucune. Pour me donner du rythme, j’en invente une très simple. A haute voix je clame, 1, 2, 1 sur le pied droit, 2 sur le pied gauche. Pour changer, éviter la monotonie, de temps en temps, je change, 1 sur le pied gauche, 2 sur le pied droit. Mais comme je chante faux, c’est vite insupportable et pénible. Çà permet de gagner 200 à 300 mètres. Ou alors, je compte les bandes blanches du milieu de la route. C’est moins drôle lorsqu’il y a une ligne continue. Je croise un monsieur de 86 ans qui a sur lui un couteau, il m’aide à couper deux bouts de sparadrap. Tous les matins, sur conseil de son docteur, il fait 2 kilomètres. Entre La Poitevinière et Jallais, une superbe ligne droite, probablement une voie romaine. C’est démotivant au possible, on a l’impression de ne pas avancer. Habituellement j’apprécie les voies romaines.Dans les villages précédents tout est fermé ou il n’y a aucun magasin. Il est impératif que j’arrive avant midi si je veux trouver de quoi me restaurer. A 2 kilomètres de Jallais, je fais du stop et hop, en 5 minutes je suis à la supérette. Tranche de saumon fumé au hêtre, fruits secs, pâtes de fruit et jus d’orange. Il faut s’en tenir à la règle, 5 fruits et légumes par jour. Ici, les foins sont ramassés, emballés, plastifiés.
A Jallais, je cherche Joseph Bara que j’ai connu dans mes livres de classe de gamin. Il s’est fait tuer d’un coup de faux en criant « Vive la République ». Il avait 14 ans. Image d’Epinal de la manipulation de l’époque. Je ne l’ai pas trouvé, aucune rue Joseph Bara, alors que l’on trouve des gars de la région comme Bonchamps, Charette, Stofflet, Elbée, Cathelineau. Pause en terrasse au café-tabac.
Aucune trace à l’ancien cimetière qui mérite la visite. Une ambiance à mourir. Je vais me documenter un peu plus sur le cas de Joseph Bara. A la sortie de Jallais, c’est l’aventure, une envie pressante m’assaille. Je vise un pré avec bosquets où je peux me dissimuler, je passe le fossé, par contre mon sac à dos accroche le fil de clôture. Il se décroche. Il n’y a pas d’électricité me dis-je. Tout se passe au mieux. Retour vers la route. Là encore, j’accroche le fil, confiant, je tire et là il se coince entre le sac et ma nuque. Décharges électriques, 3 ou 4 avant que je parvienne un peu brutalement à enlever le fil. Quelques égratignures de ronces au passage. Un peu de sang sur le jean, le tee-shirt. Quelle affaire. Dès que l’on sort des chemins battus, il y a un risque. Quelle chaleur, le goudron de la route fond et colle aux chaussures. Je repense au « bon courage » de tout à l’heure, il me rappelle celui dit aux condoléances des enterrements. La petite tape sur l’épaule, le « bon courage », j’ai connu cela lorsque j’étais enfant de chœur. Et ensuite tout le monde allait au bistrot. Bon courage. Franchement je préfère « bonne route ».
L’Abbaye Notre-Dame-des-Gardes se voit de loin. Elle culmine à 210 mètres. Au départ, à Monteneuf, j’étais à 100 mètres. Sans m’en rendre vraiment compte, je suis plus haut de 110 mètres. Un monsieur qui tond sa pelouse m’invite à boire un verre, une bonne Leffe, on discute. Il se trouve que leur fille travaille chez France-Loisirs de Cholet. Un hasard surprenant, j’ai également travaillé chez France-Loisirs. Peut-être que l’on se connaît.
J’arrive à la boutique de l’Abbaye pour acheter mon repas du soir. L’accueil et la décision de m’héberger passent par l’assentiment de quatre personnes. En effet cette Abbaye trappiste est féminine et n’accueille habituellement pas les hommes seuls. En couple, pas de problème. Quelques tractations, explications, négociations. Finalement, je suis accepté pour la nuit, une maison avec 4 ou 5 pièces inoccupées, pour moi tout seul. Elle est habituellement réservée aux parents des Trappistes, ce soir il n’y a personne. Pour le prix, on donne ce que l’on veut, ordinairement 10 à 15 €. Selon votre générosité. Sur le petit bureau de la chambre où je suis installé pour écrire ces lignes, il y a un document de bienvenue, avec cette citation de saint Benoît « Tous les hôtes qui surviennent au monastère seront reçus comme le Christ ». Un coup à prendre la grosse tête. Soyons plus modeste. Une pensionnaire est emmenée à l’hôpital, j’aide les ambulanciers à l’installer dans leur véhicule. Merci de m’avoir hébergé.
Une superbe table d’orientation a été érigée sur le sommet de la colline. On y découvre la région à 360o, c’est impressionnant et magnifique. Çà mérite le détour. Demain, je vous parlerai de mes problèmes de jambes, de pieds, en effet je suis un déséquilibré. Le SDF d’Ancenis me revient, c’est vrai que je suis aussi SDF en ce moment. J’ai un domicile fixe mais actuellement je change de lieu chaque jour. Oui, oui, je suis un SDF. Sur le bureau, il y a également la Bible. Hier soir et ce matin, j’ai dîné et déjeuné sous l’œil de la Vierge, en bois, et devant un tableau de Jésus, qui casse la croûte, comme moi, avec deux disciples, Joseph d’Arimathie ? saint Nicodème ? Tout s’est bien passé. Ce sont des gens illustres, cependant discrets et remarquables.
Voir et savoir
- Jallais,49 : Le 12 mars 1793, bataille entre les Angevins royalistes et l’armée républicaine, décès de Joseph Bara (1779-1793), engagé de 14 ans dans le 8e régiment de hussards.
- Saint-Georges-des-Gardes : Abbaye Notre-Dame des Gardes, boutique, hébergement, panorama et table d’orientation. Soirée étape.
Ma collection de tampons
- Le Barock : Bar, tabac. 49510. Jallais.
- Abbaye Notre-Dame-des-Gardes : Boutique, produits des Trappistes. 49120. Saint-Georges-des-Gardes.