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De Saint-Hilaire-du-Harcouët à Mortain

9 mai 2024

Je prends une voie verte. Bertrand du Guesclin s’empare de Mortain en 1378.

J’ai les jambes qui tirent un peu. C’est ce qui me décide à prendre la voie verte. Un chemin plat, rectiligne, dans la verdure.

Saint-Hilaire-du-Harcouët à Mortain. 50

J’avais prévu de passer à Parigny mais le chemin contourne le village.

Louis Hamel de Closdrieux, issu de la famille Hamel de Lorberye, elle-même descendant de la famille d’Argence, épouse une des sœurs de Bertrand du Guesclin. Cette famille donne les principaux maires de Parigny au XIXe siècle. 1

De quelle sœur s’agit-il ? Bertrand, est-ce que tu peux m’en dire plus ?

Sur ce chemin, c’est de la marche pour de la marche. Rien ne représente la région. Mais c’est calme et ombragé. Il y a parfois du relief sur les côtés, la voie est tantôt encaissée, tantôt en surplomb, elle égalise.

Saint-Hilaire-du-Harcouët à Mortain. 50
Pause sous le pont.

Je fais une pause sous un pont. Il y a un banc et le soleil. Les cyclistes, piétons, marcheurs vers le Mont Saint-Michel, se sont réveillés, en solitaire, en groupes, ils deviennent nombreux, les bonjour également. La communauté des marcheurs, pédaleurs, est particulièrement polie. Pourquoi ? Ces mêmes personnes ne se seraient même pas regardés en ville. La voie perd son calme et son attrait. Finalement je préfère les petites routes, c’est plus varié, les paysages changent, je croise des gens avec qui échanger, les habitations, les églises, se succèdent, il y a même quelquefois des cafés accueillants pour une pause.

Saint-Hilaire-du-Harcouët à Mortain. 50
Saint-Hilaire-du-Harcouët à Mortain. 50
Saint-Hilaire-du-Harcouët à Mortain. 50
Saint-Hilaire-du-Harcouët à Mortain. 50
Saint-Hilaire-du-Harcouët à Mortain. 50
Dommage, ça pourri un peu le paysage.

Je contourne Romagny. Petite pause à Les Fresnais. La vue est belle. C’est la fin de la voie verte, je retrouve l’asphalte. Un petit chemin passe par une énorme carrière de grès.

Mortain. 50
Vue des Fresnais. Mortain est accroché à la colline. Les ardoises ne passent pas la cime des arbres, joli.
Le Neufbourg. 50

J’atteins le Neufbourg et l’église Saint-Hilaire des XIe, XIIIe – XVIIe siècles. Robert de Mortain (1030-1090) donne en 1082 l’église Saint-Hilaire à la collégiale de Mortain. Guillaume de Mortain, son fils, la transmet au Prieuré Blanc. 2

Le Neufbourg. 50
Le Neufbourg. 50
Le Neufbourg. 50
Le bénitier haut pour les cavaliers.

Le Neufbourg est sur un flanc granitique et gréseux du Massif armoricain, cela se voit dans la construction.

Le Neufbourg. 50

Bientôt Mortain, une descente et une belle montée vers le centre.

En 933, Guillaume Longue-Épée, fils de Rollon, considéré comme le deuxième duc de Normandie, prend possession de Mortain. Il aurait construit le premier château fort (en bois à l’origine) de Mortain. Le roi de France Charles le Simple, lui abandonne le Cotentin et l’Avranchin concédés autrefois par les Francs aux Bretons. 3

Robert de Mortain (1030-1090), demi-frère de Guillaume le Conquérant fait construire ou fortifie des places fortes à Mortain, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Le Teilleul et Tinchebray. D’autres places fortifiées importantes du comté sont les châteaux de Saint-James-de-Beuvron et de Cérences.

Mortain. 50
La maquette du château.

Robert de Mortain participe à la conquête de l’Angleterre aux côtés de son demi-frère. Une stèle commémorant cet événement est aujourd’hui visible sur la place du château : « Moi Robert par la grâce de Dieu comte de Mortain suis parti à la guerre portant l’étendard de Saint Michel - 1066. ».

Mortain. 50
Plaque commémorative.

Dans les premières années du XIe siècle, Robert d’Avranches, un fils illégitime de Richard Ier de Normandie, considéré comme le premier comte de Mortain, s’établit dans le château de Mortain. Pour Jacques Boussard : « la constitution de la seigneurie de Mortain semble coïncider avec la fin des guerres du duc de Normandie Robert le Magnifique et du duc de Bretagne au moment où la frontière des deux duchés est définitivement fixée au Couesnon ».

Au milieu du 11e siècle, le comté de Mortain est une zone stratégique du duché puisque frontalier du duché de Bretagne, du comté du Maine et de la seigneurie de Bellême. Il est aussi proche des importants centres ecclésiastiques d’Avranches et de Coutances. 4

La bataille de Tinchebray en 1106 permet au roi d’Angleterre Henri Ier de s’emparer du comté de Mortain et de son château.

Le comte Guillaume, fils de Robert de Mortain, qui soutient Robert Courteheuse, duc de Normandie, est fait prisonnier. 5

Lorsque Richard Cœur de Lion succède à son père Henri II en 1189, il donne le comté et le titre de comte de Mortain à son frère Jean Sans Terre, ainsi que 4 000 livrées de terre dans le royaume faisant de celui-ci un des principaux barons de Normandie.

Le comté de Mortain est sous domination Plantagenêt jusqu’en 1204.

Vers 1204, le roi de France Philippe Auguste envahit la Normandie et rattache le comté de Mortain au domaine royal.

Dans la seconde moitié du XIIe siècle, une communauté de femmes vivant dans la forêt de Savigny s’établit à Mortain sur le site de l’abbaye Blanche, fondée en 1120. 6

À la suite de la révolte de Renaud de Dammartin, Pierre du Thillay, bailli français basé à Caen, prend rapidement le contrôle du comté. Dès 1212, il y tient des assises avec son beau-fils Eudes du Tremblay, le châtelain royal de Mortain. Pierre du Thillay supervise les affaires du comté pendant quelques années avant que le roi ne le donne à son fils naturel, Philippe Hurepel, et lui ait fait épouser la fille de Renaud, Mathilde de Dammartin. À partir de ce moment, l’administration comtale reprend son cours.

Jeanne II de Navarre († 1349), fille de Louis X le Hutin, reçoit le comté d’Angoulême ainsi que le petit comté de Mortain en compensation de son renoncement à ses droits sur la Champagne. Elle avait été dépouillée de toutes ses possessions encore enfant par Philippe V, et c’est Philippe VI qui au début de son règne entend ses revendications. Philippe d’Évreux, le mari de Jeanne, devint comte d’Évreux en 1319, et est proclamé roi de Navarre en 1328. Le 14 mai 1335, Philippe VI de Valois érige le comté de Mortain, en comté-pairie. Ses possessions françaises sont confirmées par le traité de Villeneuve-lès-Avignon, le 14 mars 1336, date à laquelle le comté est à nouveau érigé en pairie.

Son fils Charles II de Navarre dit le Mauvais († 1387) lui succède à la tête des comtés de Évreux et Mortain en 1344, à la suite de l’accord donné par le roi Philippe VI. Il est roi de Navarre à la suite de sa mère Jeanne en 1349. Il tente par de multiples complots de s’emparer du trône de France, et se voit finalement confisquer ses possessions normandes par Charles V en 1354. Le roi envoie des troupes prendre possession de ses terres et châteaux, mais Mortain est l’une des six places fortes qui résistent.

Vers la fin de 1354, le roi de France Charles V le Sage décide la confiscation de tous les domaines de Charles II de Navarre (dit le Mauvais), roi de Navarre, en France. Le roi envoie ses troupes prendre possessions des terres et châteaux de Charles, et la plupart des places se rendent. Cherbourg, Avranches, Gavray, Évreux, Pont-Audemer et Mortain résistent. Les garnisons de ses châteaux et places fortes sont composées de Navarrais fidèles au roi de Navarre, et qui ne reconnaissent pas le roi de France.

Bertrand, ces rivalités entre Charles V et Charles II de Navarre vont te faire découvrir une grande partie de la Normandie pendant plusieurs années ! Est-ce que tu en gardes de bons souvenirs ? Quel bon coup tu leur a joué à Cocherel en 1364 !

Pierre de Navarre († 1412), son fils, porte le titre dès 1376-1377. Son père étant toujours vivant à cette époque, et ayant été dépouillé de toutes ses terres françaises, c’est donc très probablement un titre de courtoisie. Le comté est érigé en comté-pairie pour lui, par lettres patentes non enregistrées, en mai 1408, à la suite d’une donation de Charles VI, son cousin. Il épouse Catherine d’Alençon, mais ils n’ont pas de descendance. 7

Sur les hauteurs de la Montjoie on peut apercevoir le mont Saint-Michel. La chapelle Saint-Michel appelée aussi « petite chapelle » a remplacé l’ancien ermitage de la Montjoie.

Je prends une chambre à l’hôtel de la Poste, en centre-ville. La terrasse domine le paysage, une petite assiette avec jambon et fromages, et Leffe, est bienvenue. Au soleil, je profite du défilé vestimentaire donné par une quinzaine de mannequins.

Mortain. 50
Une belle vue de la terrasse.

Je visite la collégiale Saint-Évroult. Il ne reste de l’église primitive que le portail roman de la façade sud. L’église actuelle est construite en 1230. La nef est du XIIIe siècle et l’abside ne lui est postérieure que de quelques années. 8

Je me rends sur le site du château. Érigé en comté-pairie par Philippe de Valois en 1331, Mortain devient possession de Charles II le Mauvais, en 1343, en même temps que la Navarre et le comté d’Évreux. Charles le Mauvais s’alliant avec les Anglais, Mortain est assiégé vainement par le roi de France en 1354 mais lui est remis l’année suivante.

Bertrand Du Guesclin reprend la place en 1378 pour Charles V, et fait raser les fortifications.

Le château surplombe, à l’ouest, une falaise abrupte qui offre un beau panorama sur la vallée de la Cance. Il n’en reste aujourd’hui que quelques vestiges. 9

Mortain. 50
La collégiale Saint-Évroult des comtes de Mortain (XIe – XIIIe siècles).
Mortain. 50
La collégiale Saint-Évroult des comtes de Mortain (XIe – XIIIe siècles).

L’abbaye Blanche ne se visite plus, elle a été achetée par un privé qui devait en faire une école de diplomates ! Le Centre d’études normand d’anthropologie, à la suite du professeur Jean-Charles Payen, voit dans l’abbaye Blanche un des éléments de la région Mortain/Domfront qui ont pu contribuer aux légendes arthuriennes : « Hélène, la reine aux grandes douleurs, prendra le voile dans une blanche abbaye de nonains ». Je retrouve les mythes de Brocéliande ! 10

Une petite journée, une petite vingtaine de kilomètres avec la balade en ville. De nombreuses boutiques sont fermées, ça sent les difficultés, mais la misère est plus supportable au soleil.

Je dîne sur place, carpaccio et salade de fruits. À demain.