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De Mortain à Domfront

10 mai 2024

Je traverse la Fosse Arthour, fais le tour de l’Abbaye de Lonlay, puis des remparts de Domfront. Bertrand du Guesclin libère Lonlay en 1362.

J’avais envisagé d’aller à Husson qui est à une dizaine de kilomètres au sud de Mortain et ensuite de rejoindre Barenton, mais ce détour allonge singulièrement l’étape.

Husson a été le siège et la seigneurie des barons de Husson du XIIe au XVIe siècle. 1

Mortain est vide. Je me dirige vers Rancoudray. La petite route est agréable, le soleil est au rendez-vous. Je discute avec un jeune éleveur qui va jeter un œil sur ses vaches.

Je passe près du lieu-dit Le Dolmen. Depuis Mortain, ça monte en permanence.

Une maison, des personnes qui s’affairent à l’extérieur, elles ont l’air sympathiques, je demande si le café est chaud. Pas de problème, je vous en fais un. Un café-chicorée, ce sont des Chtis, ils ont de la famille à Josselin. On ne traine pas, ils partent pour Valenciennes, les valises sont déjà dans les voitures. Bonne route. Merci.

Je passe La Vallée et arrive à Rancoudray. Seulement l’église et quelques maisons. Son histoire est celle d’un sanctuaire marial très ancien ayant vu des siècles de pèlerinages. Évidemment il y a une voiture devant l’église, est-ce pour bénéficier de sa protection ? ou pour faire enrager les photographes ?

Rancoudray. 50
Église paroissiale Notre-Dame de l’Assomption du XIXe reconstruite au début du XXe siècle.

Fieffes, Prises et Désert rappellent les défrichements sur la forêt de la Lande Pourrie qui s’étendait jusqu’à Tinchebray au Moyen Âge.

L’étape d’aujourd’hui est trop longue à pied, je continue en voiture, un couple et un enfant. Un quart d’heure plus tard, je suis à Saint-Georges-de-Rouelley. J’arrive dans l’Orne. La dame s’intéresse aux légendes arthuriennes, aux mégalithes, la route défile rapidement. Elle me conseille la pâtisserie du village. On se quitte devant. Je constate que j’ai oublié mon chapeau dans le véhicule. Vont-ils s’en apercevoir ? Je vais au café. Je discute avec les clients, connaissent-ils ceux qui m’ont amené ici ? Un jeune prospecteur avec détecteur de métaux me raconte ses découvertes. Aucune piste pour mon chapeau. Après une petite demi-heure, un véhicule s’arrête devant le café, ce sont eux ... et mon chapeau ! Merci, merci.

Le bourg est à 5 km à l’est de Barenton. En Brocéliande il y a la Fontaine de Barenton, quel est le lien ?

Les activités économiques historiques étaient liées notamment à l’exploitation de la forêt de la Lande Pourrie : verriers, potiers, exploitants de carrières et mines de fer, forestiers.

C’est la découverte fortuite d’une fosse dépotoir lors de travaux d’aménagement d’un lotissement à Saint-Georges-de-Rouelley en 1984 qui a entraîné des fouilles archéologiques les années suivantes. Cette recherche a mis au jour les vestiges d’un four de potier médiéval et de plusieurs tessonnières. L’étude paléomagnétique de la sole du four situe l’époque de la dernière cuisson au tout début du XIVe siècle. Le mobilier céramique, en grande partie constitué des premiers protogrès normands trouvé dans leur contexte de production, comprend des oules, des gros pots à tenons, des cruches, des grands jattes et quelques types particuliers. Le Mortainais peut donc revendiquer l’invention des grès au même titre que le Beauvaisis, au début du XIVe siècle.

Ce grès imperméable, propice pour transformer et conserver les aliments s’est rapidement diffusé, à Caen et à Rennes dès le XIVe siècle, à Paris au XVe siècle.

Le nom de la localité est attesté sous la forme de Sancto Georgio en 1369 et 1370.

L’église Saint-Georges, très ancienne, est modifiée par les Anglais lors de la guerre de Cent Ans, avec de nombreuses statues polychromes de saints à l’intérieur.

Saint-Georges-de-Rouelley. 50

Au XIXe siècle, le peintre Théodore Géricault, peintre, entre autres, du célèbre Radeau de la méduse, a effectué de nombreux séjours d’été chez ses cousins à Saint-Georges. C’est ici qu’il va découvrir le milieu équestre, pour en devenir l’un des peintres les plus réputés. Sur la route de Saint-Georges à Saint-Cyr, le lieu-dit Hôtel Géricault existe toujours, maison d’origine de la famille du peintre. 2

Saint-Georges-de-Rouelley. 50
Belle construction ancienne.
Saint-Georges-de-Rouelley. 50
Petite pause avant d’entrer dans la Fosse Arthour.

J’entre en plein imaginaire, la roche, l’eau, les chemins creux, les arbres qui s’étagent le long de la pente, le calvaire, le soleil, la fraicheur du sous-bois.

Saint-Georges-de-Rouelley. 50
Le rocher-chien garde le passage.
Saint-Georges-de-Rouelley. 50
Saint-Georges-de-Rouelley. 50
La Sance cascade sur les rochers.
Saint-Georges-de-Rouelley. 50
Saint-Georges-de-Rouelley. 50
Saint-Georges-de-Rouelley. 50

Un petit chemin rocailleux grimpe sous les arbres. Après le sommet il est plat.

Saint-Georges-de-Rouelley. 50
Les arbres s’entremêlent.

Je quitte le sentier forestier, traverse un champ couvert de lisier et parviens à une petite route qui me mène à Lonlay par la biscuiterie.

Lonlay-l’Abbaye. 61

Bertrand du Guesclin libère Lonlay en 1362. 3

Alors Bertrand, est-ce-que tu trouves que ça a bien changé ?

Lonlay-l’Abbaye. 61
L’Égrenne, canalisée.
Lonlay-l’Abbaye. 61
L’abbaye.

L’abbaye Sainte-Marie de Lonlay est une abbaye bénédictine du XIe siècle. Dès sa fondation, elle est richement dotée et complète l’organisation de la région en lui apportant un foyer de civilisation, de travail et de vie religieuse. 4

Lonlay-l’Abbaye. 61
Lonlay-l’Abbaye. 61
Lonlay-l’Abbaye. 61
Lonlay-l’Abbaye. 61
Lonlay-l’Abbaye. 61
Le soleil donne bien, il faut penser à se désaltérer.
Lonlay-l’Abbaye. 61
Jeu de mot.

Il n’y a pas d’hôtel ici. Je vais à l’arrêt de bus et constate que dans un quart d’heure un car doit passer. Je décide d’en profiter et aller à Domfront.

Domfront est une ancienne commune française du Passais. C’est une zone frontière entre la Normandie et le Maine. À partir du XIIe siècle, on peut considérer que la "capitale" historique du Passais est Domfront, siège du pouvoir local avec sa forteresse, alors que la baronnie de La Ferté-Macé tient la seconde place. 5

Le développement de la région ne commence réellement qu’en 1022, lorsque Guillaume Talvas, l’un des fils du seigneur de Bellême, seigneur du Passais, trouve l’emplacement où se situe Domfront propice à la défense contre les comtes d’Anjou et du Maine. Il y fait alors bâtir une fortification ainsi qu’un peu plus tard un autre fort à La Ferté-Macé.

La région du Passais aurait servi de cadre à Chrétien de Troyes pour la rédaction de sa version des légendes arthuriennes, et plus particulièrement pour la légende de Lancelot du Lac, ce qui explique la présence du circuit Lancelot du Lac dans la région. Il aurait collecté les histoires et légendes locales lors de ses séjours à la cour des Plantagenêts et plus particulièrement celle d’Aliénor d’Aquitaine à Domfront, et s’en serait inspiré. La position géographique privilégiée du Passais lui aurait permis d’accéder aux légendes de la Bretagne toute proche et qui au IXe siècle s’étendait brièvement jusqu’au Passais. Le contexte politique de l’époque après la conquête de l’Angleterre et le tissage de réseaux avec la Normandie notamment par l’intermédiaire des abbayes très dynamiques dans la région, lui permet également d’avoir accès aux contes et légendes de Grande-Bretagne. Il se serait également inspiré des saints ermites locaux du VIe siècle comme modèle pour ses chevaliers solitaires, compagnons du roi Arthur.

Domfront. 61
Le bus me dépose près de la tour de la porte d’Alençon.

Je passe rapidement près du château que j’ai déjà visité à plusieurs reprises. Au centre-ville un forgeron s’est installé dans une boutique, c’est original, il forge des clous, on discute, je lui parle de la Fête des Forgerons de Paimpont.

Domfront. 61
L’enceinte est un ouvrage défensif du XIIIe siècle.

Une dame âgée, plus que moi, est accoudée à sa fenêtre et regarde les piétons. Je m’en approche et lui demande si elle fait chambre d’hôte. Tu cherches une chambre, me dit-elle. Et bien, vu ton âge, tu vas aux urgences, tu leur dis que tu as fait un malaise, je suis sûr qu’il vont te garder pour la nuit. Waouh, je ne m’attendais pas à une telle réponse. Elle sourit, moi aussi.

Je demande à une dame où se situe l’Hôtel de France. Elle va dans cette direction et me propose de m’y déposer. Ok, c’est parti. Elle est architecte et connait des gens qui ont un château en Bretagne. Des travaux sont urgents, je lui parle de la Fondation du Patrimoine. Belle rencontre.

Domfront. 61

En 1010, Guillaume de Bellême fait construire à la cime du rocher un premier château en bois, le château, formé de « quatre grosses tours avec des fossés profonds taillés dans le roc », dont la « principale issue était au midi ; deux portes en fer et une claie en fermaient l’entrée ».

En 1092, Henri Beauclerc, troisième fils de Guillaume le Conquérant, érige sur l’éperon rocheux un château fort en pierre avec son puissant donjon de forme quadrangulaire et la chapelle Saint-Symphorien, prieuré de l’abbaye de Lonlay.

Henri Beauclerc devenu en 1100 roi d’Angleterre, et afin d’éviter une guerre fratricide avec son frère aîné, Robert Courteheuse qui prétend au royaume d’Angleterre, abandonne à ce dernier le Cotentin et toutes ses possessions en Normandie, à l’exception de Domfront qui devient alors une place forte royale.

Henri II Plantagenêt et Aliénor d’Aquitaine, sa femme, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre leurs fils y séjournent. Aliénor d’Aquitaine y tient en particulier une cour qui verra aussi le passage de sa fille Marie de Champagne (protectrice de Chrétien de Troyes qui l’accompagne). Robert Wace fait aussi partie de cette cour, de même que Benoît de Sainte-Maure qui ne la nomme pas, mais fait son éloge dans son Roman de Troie, manière de dédicace.

Ils rattachent Domfront et sa région aux légendes arthuriennes.

Aliénor d’Angleterre, 1161-1214, est la deuxième fille d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II, roi d’Angleterre. Elle est née en septembre 1161, au château de Domfront et morte le 31 octobre 1214 au Monastère royal de Las Huelgas de Burgos. C’’est une princesse royale issue de la dynastie Plantagenêt et devenue par mariage reine de Castille. Leur fille Blanche épouse en 1200 le futur roi de France, Louis VIII, père du futur Louis IX, Saint Louis. 6

Pendant la guerre de Cent Ans, le château est occupé par les Anglais de 1356 à 1366.

En 1574, le chef des huguenot normands, Gabriel Ier de Montgomery, y fait sa reddition lors du siège de la ville après l’arrivée de l’artillerie royale. Catherine de Médicis le fait aussitôt juger par le Parlement de Paris suivi de son exécution par décapitation en place de grève le 26 juin 1574. En 1608, le château est démantelé sur ordre d’Henri IV. 7

Je dîne à l’hôtel, côtes d’agneau grillée, crème brûlée, bière. La chambre est une version économique, pas de télévision. Un peu de lecture. Pas de traces de Bertrand à Domfront. Après environ 20 kilomètres, la bonne nuit est assurée.