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De Verrières à Bussière-Poitevine

1er mai 2015

Verrières (86), départ 8h.

Fête du travail. Il a plu toute la nuit. Il faut mettre le poncho. A la sortie du village, je passe le pont Saint-Braillard. Je ne connaissais pas ce saint homme. Avec ce nom, j’aurais dû en entendre parler, voire même crier. La Dive s’écoule gentiment dessous.

Çà pleut, çà mouille, c’est pas la fête à la grenouille

Des limaces et des escargots courent sur la route. Certains sont écrasés par les voitures. Je rejoins la Nationale que je quitte rapidement pour Mazerolles, à 1,4 kilomètre. Je passe devant une grosse carrière Bailly. Je ne vois pas ce qui en est extrait.

Fronton magnifique sous le crachin

L’église de Mazerolles, 12ème, a un beau fronton. Il est 10h15. Pause aux toilettes municipales. C’est exceptionnellement neuf, propre et rationnel. Le grand confort. Je fais sécher mon pull dans le sèche-mains à air pulsé. Félicitations à ceux qui ont réalisé cette construction.

Le village en fresque

Ce souci du beau et efficace se lit également dans le mobilier qui dissimule les poubelles, et dans la fresque-peinture du village, proche de la mairie. Un joli bourg avec toilettes 4 étoiles ! D’autres mairies devraient s’en inspirer.

John Chandos et Bertrand du Guesclin se connaissent bien

J’atteins Le Pont, commune de Mazerolles, je prends la rue du connétable John Chandos. Elle me conduit au cénotaphe de cet Anglais qui mourut ici en 1369-1370. Ils se connaissent bien avec Bertrand du Guesclin. C’est la Vienne qui coule à Lussac-les Châteaux, une très belle rivière.

Le déversoir du moulin sur la Vienne

Il y a de l’animation sur le marché. L’Office de Tourisme, malgré le marché, les vacances scolaires, le week-end du 1er mai, est fermé. Pourtant il y a de nombreux touristes. Certains viennent de La Rochelle et se dirigent vers Valence. Ils me proposent même une place dans leur minibus. Très sympa, mais ce n’est ni ma direction ni mon mode de déplacement. Je prends un en-cas à la pâtisserie qui est bondée. Je fais le tour du marché. J’achète un sachet de bonbons au miel, ça dope. En préparant mon circuit, j’avais constaté qu’entre Lussac et Moulismes, il n’y avait pas le choix, il fallait prendre la Nationale. Contrairement à Jean Yanne, je ne prends jamais les Nationales. Parmi les exposants présents, il y en a bien un qui ira dans cette direction. A moi de le trouver. Après avoir visité quelques stands, c’est fait.

Un gars super sympa, ce Dudule

C’est Dudule. Un maraîcher qui habite Lathus où il a également son exploitation de 15 hectares, 7 pour le maraîchage et 8 pour sa dizaine d’ânes. Il pratique un maraîchage raisonné, pas bio. Un monsieur vient sur le stand, ancien élu, en charge du musée, il me dit qu’il cherche à développer la période de la préhistoire. C’est vrai que la région est riche. L’abbé Breuil est venu ici. Il me précise qu’à l’origine la tombe de John Chandos devait être à l’emplacement de l’actuel moulin, la minoterie. Ensuite, elle a été déplacée. La commune mérite des félicitations pour l’entretien de ce monument et la préservation de ce moment de l’Histoire de France. Les Anglais viennent le visiter. Il y en a beaucoup dans la région, surtout comme propriétaires de chambres d’hôte. Dudule, M. Mortreuil, c’est son nom, est sympathique et avenant. Une personne de sa famille, Valérie Mortreuil, est archéologue ! A Jonzac, près de la villa aristocratique gallo-romaine au sud de Saintes. On se trouve vite des centres d’intérêts communs. Je l’aide à démonter son stand, ranger les cageots, ôter les bâches. Il m’emmène, en fourgonnette, à Plaisance. Lui, va vers le Roc d’Enfer, au bord de la Gartempe où se déroule régulièrement des compétitions de canoë-kayak. Merci pour le transport, une belle rencontre.

Ma prochaine étape est Bussière-Poitevine, à 7 kilomètres. Il pleut toujours, un peu chiant pour faire des photos et prendre des notes sur ce que je vois et ce que je pense. C’est fou ce qu’on phosphore en marchant. Il y a beaucoup de prairies dans cette région de la Basse-Marche et Haut-Limousin. C’est la fin du Poitou et le début du Limousin. Le schiste réapparait dans les constructions.

Les fossés sont généreusement fleuris

A Bussière-Poitevine, en Haute-Vienne, l’église est romane avec des parties plus anciennes. A gauche du porche roman, un gisant, au-dessus, des sculptures de têtes. Elle est sous le patronage de Saint-Maurice. Au bar-tabac, ouvert un 1er mai, un miracle, la propriétaire me signale une chambre d’hôte à proximité. Des Anglais. Parfait pour la nuit. Demain, direction Bellac, à 20 kilomètres, petite étape. En 1372, Bertrand du Guesclin est dans la région. Cette même année, il est également à Sainte-Sévère. Ma route croise régulièrement la sienne et celle des Anglais du Prince de Galles, le Prince Noir, la couleur de son armure, dit-on.

Cette balade et les personnes rencontrées me rappellent mon adolescence, mon premier stage de fouilles à Pincevent, près de Montereau, 77, où j’ai eu l’honneur de travailler avec l’équipe du professeur André Leroi-Gourhan, et de Michel Brézillon. Une jeune femme qui encadrait les fouilleurs a fait une belle carrière d’archéologue. Nous nous sommes récemment échangés quelques mots par mail à l’occasion des 50 ans de Pincevent. Emouvant souvenir. Et aussi, mon second chantier sur la villa gallo-romaine, exceptionnelle, de Montmaurin, dans les Pyrénées, près de Saint-Gaudens, avec Georges Fouet. Ces fouilles et ces personnes resteront gravées dans ma mémoire. Pour Montmaurin, j’y étais allé avec une Flandria, une mobylette améliorée. 2.000 kilomètres aller-retour. Une belle aventure. Cela me rappelle aussi mes escapades dans la Meuse, chez des amis d’enfance de ma mère, des Bretons. Ils tenaient un bistrot, puis une pension de famille, j’avais 14 ou 15 ans, c’était à 250 kilomètres des Ormes-sur-Voulzie, 77, où j’habitais. J’y allais en mobylette. J’en avais pour la journée. Est-ce que nous laisserions nos enfants ou petits-enfants faire la même chose aujourd’hui ? Ou ma balade en auto-stop, départ de Seine-et-Marne, tour de Bretagne, avec mon copain d’Everly, Ambroise Paré. Ce n’est pas une blague, si, une blague des parents ! On devait avoir 17 ou 18 ans. Que des bons souvenirs.

Je retrouve cette ambiance de l’aventure, de la découverte, du contact. Un peu comme tout pionnier, découvreur de nouveaux territoires. C’est passionnant et exaltant. C’est un peu l’ambiance 1968, la rupture, les moutons dans les Cévennes ou le Larzac. C’est vrai que j’ai failli suivre ce mouvement. Aujourd’hui je serais certainement un copain de José Bové. Mais cela ne s’est pas fait. Il n’y a pas eu le détonateur, le concours de circonstances, la rencontre décisive qui fait que. Ces réflexions un 1er mai m’amènent à me demander pourquoi il y a eu 1936, le front populaire, 1968, une révolte étudiante et populaire et que, depuis, il ne s’est rien passé.

Pas évident de faire de bonnes photos dans ces conditions

Est-ce que les jeunes n’ont rien à revendiquer, n’ont pas d’idéal à défendre, s’en foutent royalement ? C’est étonnant. Quel évènement déclenchera une « révolution » . Les circonstances, le contexte économique, la politique, la perte de crédibilité des politiques, le manque de confiance dans les élus...sont des conditions pour engendrer l’explosion. A suivre ! Généralement, historiquement, ces mouvements populaires partent d’un évènement minime, mineur, mais symbolique. Est-ce l’abrutissement des masses par la télévision, Internet, les réseaux sociaux qui font que l’égoïsme de chacun ne générera rien que la démobilisation, le désintérêt du collectif, la frivolité, l’esprit du chacun pour soi, la perte de curiosité pour l’autre, la seule recherche du gain, du pouvoir, la frime. 1

Le gardien de l’église de Bussière-Poitevine

Ce qui me marque le plus, c’est que je rencontre beaucoup de monde, on se croise quelques minutes, on échange quelques encouragements, quelques comportements de sympathie et on se quitte. Mais il y a aussi tous les morts, tous ceux qui ont marqué leur passage par des actions honorables voire remarquables. Qu’est-ce qu’ils sont nombreux, évidemment plus nombreux que les vivants. Combien de générations ont marqué notre environnement, nos paysages, nos monuments, notre patrimoine ? A la fin de ce parcours, peut-être que j’en dresserai une liste.

Dîner, tarte aux poireaux, pizza, tarte aux trois fruits. Cinq fruits et légumes par jour et c’est la grande forme. On verra bien si c’est vrai. Je comprends maintenant quel miracle a motivé la dame du bar à ouvrir un 1er mai. Ce soir il y a une bonne trentaine d’Anglais au comptoir et en salle. Et seulement 4 ou 5 Français. Une super ambiance, la bière coule. J’ai appris qu’ils sont dans la région car l’avion Limoges-Londres est à 40 €. Ce sont surtout des retraités. On leur reproche de ne pas faire d’effort pour parler français. D’un autre côté je constate que nous ne faisons pas non plus d’effort pour parler anglais. Cependant la cohabitation se fait assez bien, les deux y trouvent un intérêt économique, des prix pas trop élevés pour les Anglais, une clientèle intéressante pour les Français. Pas d’état d’âme.

Un client m’a dit que depuis qu’ils avaient brûlé Jeanne d’Arc, il ne les supportait pas ! Belle connaissance de l’Histoire mais vieille rancune.

Merci pour l’accueil et la belle soirée.


Voir et savoir

  • Mazerolles,86 : Église Saint-Romain, 12e. 31.12.1369, escarmouche franco-anglaise, au cours de laquelle John Chandos, connétable du Prince Noir et sénéchal du Poitou est mortellement touché. Cénotaphe. Il a fait prisonnier Bertrand du Guesclin à Auray en 1364, puis ont croisé le fer en Espagne en 1366 et 1367. Il y a doute sur celui qui l’a tué, Guillaume Boitel ou le chevalier de Saint-Martin, ancêtre des Bagnac.
  • Lussac les Châteaux : Musée de la Préhistoire, néanderthalien, magdalénien. 1372, Bertrand du Guesclin reprend le château aux Anglais. 1569, château saccagé par l’amiral de Coligny. Baptême de Mme de Montespan, 1640-1617. Moulin-minoterie au pont sur la Vienne.
  • Moulismes : Croix hosannière, de l’hébreu « hosanna », premier mot d’un cantique chanté le jour des Rameaux.
  • Bussière-Poitevine,87 : Église Saint-Maurice, une dalle funéraire en pierre figure un gisant de chevalier. La Gartempe.

Ma collection de tampons

  • Boulangerie, pâtisserie Rambault : Place du Marché. 86320. Lussac-les- Châteaux.
  • Bar, tabac, PMU, Loterie : 7, Place Adrien Girette. 87320. Bussière-Poitevine. Soirée avec les Anglais. Ambiance très conviviale.

↑ 1 • 32 ans séparent 1936 et 1968, une génération, donc logiquement, en 2000 il aurait dû se produire quelque chose. Prémonitoires ces remarques, en effet ce que nous vivons actuellement, depuis début 2016, est le résultat d’une crise de confiance qui mûrit, pourrit, et va finir par exploser. Avec les élections ? 49 ans après 1968 ! A suivre.