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De Bergerac à Sigoulès

13 mai

Par Gageac-et-Rouillac dont le château est pris par Bertrand du Guesclin en 1360 ? en 1377 ?

Le 12 mai je pars de Monteneuf, direction Bergerac. J’ai réservé une chambre au Logis Hôtel & Restaurant Ludik for Rêveurs et un « droit de parking » pour une dizaine de jours. Merci. C’est la saint Achille, attention au talon !

Le 13, c’est parti, droit sur Monbazillac, à travers les vignes.

Première petite pause au Château La Brie. Château La Brie est situé au cœur du vignoble de Bergerac, sur les côteaux de Monbazillac, il dispose de 35 hectares répartis sur 2 terroirs. D’origine privée, le domaine est racheté en 1962 par les communes de Bergerac et de Monbazillac afin que le Ministère de l’Agriculture y implante un Lycée agricole et viticole. 1

Virage à droite, par la Route des Côteaux, de la Vallée. Je longe un parc aux tonneaux.

C’est un habitat dispersé, les maisons sont installées sur le coteau.

Je passe près de Saint-Laurent-des-Vignes. La première mention écrite connue du lieu remonte au XIVe siècle sous la forme Sanctus Laurentius prope Brageracium (« Saint Laurent près de Bergerac », avant d’être nommé Sanctus Laurentius de Vineis à la fin du siècle suivant. 2

Je croise la Route de la Guerre de Cent Ans sur la commune de Pomport. Un bourg s’est formé à côté du prieuré de moniales (religieuses) à Lamonzie-Saint-Martin. Il s’est appelé « La Mongia » au XIe siècle, devenu au fil des années « La Mongie », puis « La Monzie ». Pour assurer la protection de ses terres près du prieuré, un château est construit sur le tertre de Montcuq, au nord, sur la paroisse de Pomport, par les comtes de Périgord au XIIe siècle, probablement par Hélie V Talleyrand. Le château a appartenu aux d’Albret en 1334 et au XVIe siècle aux d’Aydie dans les années 1560. 3

Au Moyen Âge, le siège militaire de la seigneurie de Bergerac se trouve à la forteresse de Montcuq. C’est de là que, le 24 août 1345, le comte de Derby part afin de s’emparer de Bergerac. C’était la première bataille en Périgord. Une stèle commémore le début de la Guerre de Cent Ans en Guyenne.

Le tertre de Montcuq est placé au sommet d’une colline de 137 mètres permettant de surveiller la vallée de la Dordogne depuis Sainte-Foy-la-Grande jusqu’à Creysse. Le château aurait été démantelé en 1628 par Richelieu. 4

Les frères de Mathe d’Albret venaient de s’emparer de la grosse forteresse de Moncuq, à peine éloignée de Gageac de plus d’une lieue et avaient rendu hommage au roi de France pour leur sœur, devançant le comte de Périgord. Arnaud II, vassal de Bergerac, allait-il donc être obligé de plier le genou devant un d’Albret, son ennemi ?
La cérémonie eut lieu le 10 juillet 1330 Arnaud II [de Durfort, seigneur de Blanquefort, de Duras, et de Gageac] ne rendit pas hommage au comte lui-même, mais à son sénéchal Bertrand de la Roche, qui le représentait, en vertu d’une procuration datée du 15 avril 1336. 5
Arnaud II de Durfort, fils d’Arnaud I est issu d’une importante famille du Languedoc, qui possédait aussi des domaines en Agenais. Il épousa Marquésie de Goth (ou de Goûts), fille du vicomte de Lomagne et d’Auvillars. Ses oncles paternels, Bertrand de Goth, qui devint le pape Clément V en 1305, et un autre frère de son père, évêque d’Agen, laissèrent à leur nièce les droits qu’ils avaient sur les terres et les châteaux de Blanquefort, Duras, Puyguilhem, Allemans et Monségur. 6
En définitive c’est le comte Roger-Bernard de Périgord qui recueille la succession de sa belle-sœur Jeanne et de son frère. Et c’est à lui qu’est rendu l’hommage du 10 juillet 1336, par Arnaud II de Durfort, seigneur de Blanquefort et de Duras, « pour son château et sa seigneurie de Gageac ». Les « terres » ont donc été détachées du domaine des Rudel, à un moment entre 1276 et 1336, période pendant laquelle a été édifiée la forteresse dont subsistent encore les principaux bâtiments. 7

Bertrand de Duras, fils d’autre Bertrand, seigneur de Durfort et de Malause, et de Sibylle de Fumel, était seigneur de Gageac lorsque le 22 juillet 1348, le roi d’Angleterre Édouard III lui donne les châteaux et communaux de Sauveterre, en compensation de terres que le roi de France lui avait confisquées. 8

Cette donation ne lui profita que peu de temps, puisque le parti français reprit la place quelques années plus tard, en la personne de Hugues de Blanquefort, qui fut nommé capitaine de Sauveterre en 1352. 9

Hélie de Talleyrand-Périgord, né en 1301, mort en 1364, est le fils d’Hélie IX, comte de Périgord (1295-1311), et de Brunissende de Foix. Il alla à Bordeaux puis à Londres négocier la liberté du roi Jean le Bon et fit conclure entre la France et l’Angleterre une trêve de deux ans. Roger-Bernard de Périgord est le fils cadet. 10

Arnaud II était un fidèle allié du roi d’Angleterre. Son installation à Gageac n’eut d’autre objet que de faciliter son emprise sur la contrée au profit du roi-duc. Car ce n’est ni pour sa superficie bien modeste, ni pour son revenu qui l’est aussi, qu’il convoita Gageac, mais bien à des fins stratégiques. Avec Duras il tenait en respect la plaine du Dropt qui s’ouvre sur la Garonne ; avec Puyguilhem il tenait le Dropt périgourdin, et avec sa nouvelle seigneurie, c’était la plaine de la Dordogne, de Bergerac à Sainte-Foy, qui s’étendait au pied de ses tours. Et parce que le léopard d’Angleterre flottait au sommet du donjon à côté du lion de Durfort, les bonnes gens disent encore que « le château fut construit sous les Anglais ». 11

Gageac-Rouillac. 24
Le château.

Je passe La Ferrière vers douze heures. J’arrive au château de Gageac.

Gageac-Rouillac. 24
Le château.

Salut Bertrand, on se retrouve, ça fait un an qu’on ne s’est pas vu.

Gageac-Rouillac. 24
Le château.
...l’ensemble de la forteresse devait présenter un petit air « cité de Carcassonne », qui ne manquait sans doute pas d’efficacité, puisqu’elle réussit à soutenir, pendant 5 jours, l’assaut de l’armée française commandée par du Guesclin. 12

En 1360, sous Charles V, Bertrand du Guesclin en fait le siège pendant cinq jours. Les Anglais n’ayant pas prévu suffisamment de nourriture se rendent sans combattre. Sa situation est choisie pour être la place forte avancée du château de Duras. 13

Dès 1370 le duc Louis d’Anjou et du Guesclin se mettent en campagne en Périgord. Les tentatives pour en chasser les Anglais se renouvellent en 1373 et 1374, où Bergerac, Ste Foy et Castillon tombent aux mains des Français.
 
Mais en 1377 Louis d’Anjou revient en Périgord, bien décidé à en finir. Au mois d’août il met le siège devant Bergerac fortement tenu par les Anglais. Les Français sont harcelés dans la plaine, notamment par Gaillard de Durfort et ses cousins de Goth, seigneurs de Puyguilhem.
 
Le transport à Bergerac de la « truye de la Riole » immortalisée par Rabelais, fut fatal à Gaillard II, qui fut fait prisonnier à Eymet. Ses compagnons d’armes et lui furent l’objet de diverses pressions afin de les décider à se ranger dans le parti français. De guerre lasse, le sire de Duras et le seigneur de Rauzan font leur soumission « pour rentrer chez eux ». 14

Pour Marthe Marsac le château de Gageac est pris en 1377 mais peut-être pas par Bertrand du Guesclin.

Avec le gros de l’armée française, du Guesclin, le maréchal de Sancerre, le sire de Coucy, Owen de Galles, le comte de Périgord, il [Louis d’Anjou] va assiéger la ville et le château de Duras. Une partie des troupes attaque pendant le même temps les châteaux voisins, parmi lesquels celui de Gageac. Le château est investi dès le début d’octobre. Le siège commence le 4 et dure 5 jours. C’est dire que la garnison fait preuve de courage et de valeur militaire. Pour réduire Gageac, il faut aux assaillants la moitié du temps qu’ils mettent pour enlever l’énorme forteresse de Duras. Qui conduit le siège ? Peut-être est-ce le maréchal de Sancerre, « qui nous a instamment supplié et requis » de donner la forteresse de Gageac à Archambaud V, comte de Périgord, son compagnon d’armes, ainsi que le dit l’acte de donation signé de la main du duc d’Anjou à Duras, le 12 octobre 1377. Ce n’est certainement pas du Guesclin en personne ; il était bien trop occupé à Duras qui résista jusqu’au 19 octobre, et qu’il avait un moment désespéré de prendre. Et tant pis pour la tradition ! Le pays soumis, la campagne de 1377 se termina. 15

Cependant lorsque l’armée française quitte la Guyenne, Gaillard II recouvre Gageac, qu’Archambaud de Périgord, son beau-frère, s’empresse de lui rendre. 16

Lorsqu’au cours d’une nouvelle campagne, en septembre 1378, le Prince d’Anjou eut renoncé à prendre Puyguilhem, nous retrouvons Gaillard II dans ce même château, dictant sa loi à Bergerac. 17

Au cours de mes recherches pour préparer mon circuit, je découvre les Tours de Lenvège. Construites aux alentours de 1250, elles sont le siège de la première baronnie de Saussignac. Cette forteresse fut possédée d’abord par les Roquefort, seigneurs de Bridoire. Elle passe plus tard aux d’Estissac, et suit le sort de la juridiction de Saussignac dont elle est longtemps le siège. En 1345, le château est assailli par le comte de Derby mais il est vaillamment défendu par Hélie Ferdinand II, seigneur d’Estissac, et une troupe de soldats de Du Guesclin. Les Tours de Lenvège sont à cette époque appelées le castel de Salignac. 18

En 1345, Bertrand du Guesclin n’a que 25 ans et concentre ses activités en Bretagne. Les Tours de Lenvège n’ont-elles pas été prises en même temps que le château de Gageac, éloigné d’à peine 2 kilomètres ?

Je quitte Gageac en voiture, je rejoins Sigoulès. Je trouve une chambre d’hôte, à la ferme de l’Étang.

Sur la place du village, une pizzéria-camion s’est installée. Je la déguste au café Le Code Bar en terrasse. A proximité quatre personnes et deux tables. Petit à petit le groupe s’étoffe, pour finir à six tables et une douzaine de convives. Joyeuse ambiance. Ma pizza est bien trop grande, on la partage.

Bonne nuit.