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De Eymet à Duras

15 mai

Après un siège de quelques jours, Bertrand du Guesclin prend Duras en octobre 1377.

Je quitte Isa et Bruno.

Je prends la route de La Sauvetat-du-Dropt dans le Lot-et-Garonne. Une sauveté est un habitat créé au XIe ou XIIe siècle par l’Église. Comparables aux bastides décidées par le roi, ces nouveaux villages sont peuplés de colons qui, en s’y installant, obtiennent la liberté.

J’arrive par le vieux pont médiéval sur le Dropt, dit « vieux pont » ou « pont romain », il comprend 23 arches dont onze de style roman et douze de style gothique. C’est un très bel ouvrage. 1

D’après son architecture, le pont semble contemporain de la première phase d’extension du bourg, au 13e siècle.

Le Dropt est une rivière frontalière, il sépare le pays des Nitiobroges de celui des Pétrocores.

Après une petite pause je rejoins Miramont-de-Guyenne. C’est sous l’administration d’Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis, que Miramont connut une des périodes les plus fastes de son histoire. Redevenue anglaise en 1259, Miramont était, déjà à cette époque, une bourgade paisible et industrielle. Durant la guerre de Cent Ans, la ville fut plusieurs fois dévastée et ses habitants se dispersèrent dans la campagne voisine. 2

Miramont-de-Guyenne. 47
Une petite restauration est nécessaire.

Aujourd’hui Miramont semble un peu endormie.

Des coups de fusil pour chasser les oiseaux. Le blé, l’orge et le maïs remplacent les vignes.

Je passe par Allemans-du-Dropt où je fais une pause au bar Lou Drot près de l’église. Aymeric Ier de Durfort est seigneur de Duras, de Puyguilhem, de Monségur, d’Allemans, de Blanquefort. 3

L’église Saint-Eutrope est d’architecture romane, comporte une nef et des bas-côtés plus récents, et son clocher a été restauré au XIXe siècle.
Halle à 14 piliers en pierre de taille, dite « halle aux prunes », rebâtie en 1856 après un incendie.

Je continue ma marche, un orage se prépare, éclairs, nuages noirs, ça va tomber. Je fais une pause près d’une fermette dont la porte est ouverte. Je me tiens prêt à y entrer. L’orage éclate, je fonce. Deux messieurs assis sont à discuter, je leur demande l’hospitalité, prends une chaise me dit celui qui semble être le propriétaire. Je passe une bonne demi-heure avec eux, ils continuent leur conversation comme si je n’étais pas là. La pluie tombe drue, quelques grêlons l’accompagnent. Je les remercie.

Je finis en voiture avec une agricultrice qui fait le tour de ses terres pour s’assurer qu’il n’y a pas trop de casse. Elle me parle de ses difficultés, les finances, les investissements, les normes, etc. Elle me dépose au pied du château de Duras. Merci.

La forme la plus ancienne de Duras pourrait provenir du celte duros signifiant hauteur fortifiée, racine à laquelle aurait été ajouté le suffixe-acum.

Château de Duras, XIIe au XVIIe siècle.

Aymeric Ier de Durfort est seigneur de Duras, de Puyguilhem, de Monségur, d’Allemans, de Blanquefort. Il est d’abord l’allié du roi de France dans la campagne du maréchal de Trie. En récompense, il reçoit en juillet 1328 la justice et le château de Lacour. En 1336, il passe un accord avec le comte d’Armagnac concernant la succession de son oncle, Jean de Durfort, seigneur de Flamarens, avec les terres de Mongaillard et de Durance. En octobre 1336, il conclut un autre accord avec Philippe VI de Valois ratifiant l’accord passé en 1327 par son père qui renonce aux vicomtés de Lomagne et d’Auvillars. Il reçoit en échange les terres de Villandraut et de Blanquefort. Il s’oblige à remettre au roi de France son château de Duras si la guerre reprend avec le roi d’Angleterre. Mais il semble qu’il soit passé au service du roi d’Angleterre en 1338. Deux ans plus tard il revient dans la fidélité au roi de France. En 1345, Édouard III décide de reprendre la Guyenne et envoie le comte de Derby qui entreprend le siège de Bergerac au cours duquel Aymeric de Durfort meurt de ses blessures. Le château de Duras est pris par les Anglais d’après Jean Favre, mais Froissart ne le cite pas parmi les châteaux pris mais il est probablement occupé par les Anglais.

La position des seigneurs de Duras dans le conflit est fluctuante. Le 26 novembre 1345, le comte de Derby, au nom du roi d’Angleterre, donne Gaillard (ou Galhard) Ier de Durfort, « en récompense des services signalés qu’il vient de lui rendre en lui facilitant la soumission, non seulement de nombreux châteaux, villes et localités de la région, mais celle de plusieurs seigneurs », le château et la seigneurie de Blanquefort. Il est fait baron de Duras. Dans une lettre datée de Calais le 2 juin 1347, Édouard III remercient dix seigneurs gascons pour leur fidélité : Pommiers, Fossat de Thouars, Fronsac, Grailly de Benauges, sire d’Albret, Castillon-Médoc, Durfort de Duras, Durfort de Frespech, Lescun, Lesparre. Mais 7 ans plus tard on le retrouve au service du roi de France qui s’est engagé de lui payer 1 200 livres par an pour les pertes qu’il a subies à la suite de la saisie de ses terres données à Bernard Ezy V d’Albret (1295-1358). Il a peut-être participé à la bataille de Poitiers car il est dit que quand le roi Jean II le Bon est emmené prisonnier à Bordeaux sous la surveillance du prince de Galles, le baron de Duras l’accompagne avec d’autres seigneurs gascons. Le 10 avril 1356, le prince de Galles ordonne à Auger de Montaut, seigneur de Mussidan, de se dessaisir de la seigneurie de Blanquefort et de la rendre à Gaillard de Durfort à qui elle appartenait avant sa révolte. Il meurt en 1357. Sa veuve, Marguerite de Caumont, tutrice de ses enfants, rend hommage la même année au sire d’Albret.

Tour de l’Horloge, XIIIe et XVIIe siècles, ancienne porte de la ville.

Le 6 juillet 1358, le roi d’Angleterre confirme au seigneur de Duras les libéralités faites par le prince de Galles avec les donations de Blanquefort, d’Eyzines, de Bruges, de cinq paroisses de Sainte-Foy, des bastides de Beaumont, Molières, Miramont, Castelsagrat... Gaillard II rend hommage au prince de Galles dans la cathédrale de Bordeaux pour les seigneuries de Blanquefort et de Duras, en 1364. Même cérémonie en 1371. Il se marie la même année avec Éléonore de Périgord, sœur d’Archambaud IV de Périgord. La guerre reprend. Charles V envoie une armée sous les ordres du duc d’Anjou et de Duguesclin. Ils mettent le siège devant Bergerac le 22 août 1377. Thomas Felton, sénéchal de Bordeaux, envoie une troupe pour aider Bergerac. Cette troupe tombe sur l’armée française le 1er septembre 1377, près d’Eymet. Elle est battue et les seigneurs de Duras, Mussidan, Langoiran, Rauzan sont faits prisonniers ainsi que Thomas Felton. Le duc d’Anjou leur accorde la liberté s’ils prêtent serment de rester fidèles au roi de France. Mais Gaillard II n’ayant pas respecté son serment, le duc d’Anjou décide de prendre ses terres. Il met le siège devant Duras le 18 octobre 1377. Le siège a duré six jours. Le château pris, il est incendié et le duc d’Anjou a décidé de le faire détruire. Toutes les terres de Gaillard II de Durfort sont saisies par le roi de France. Le château n’a pas été détruit mais confié à la garde d’Hervé de Lesonencens. Par une lettre datée du 25 juillet 1389, le duc de Berry demande à Louis de Sancerre, maréchal de France, de remettre le château et la terre de Duras au sire d’Albret. Gaillard II de Duras ayant perdu tous ses domaines s’est réfugié à Bordeaux depuis 1377 jusqu’à sa mort, probablement en 1395. 4

La fin de la campagne ne fut qu’une suite ininterrompue de succès. Connaissant les bonnes dispositions des habitants en faveur du roi de France et l’impuissance où étaient les Anglais de lui disputer le pays, le connétable envoya de toutes parts des compagnies qui, simultanément, emportèrent un grand nombre de places sur la Dordogne et sur la Garonne. L’expédition se termina en octobre par la prise de Duras. Le seigneur de cette ville, fait prisonnier à Eymet, venait, ainsi que son compagnon Rosem,[Rauzan] de fausser la parole qu’il avait donnée au duc d’Anjou de se tourner Français. Mis en liberté sans rançon, il était allé immédiatement à Bordeaux pour rentrer au service de l’Angleterre. Aussi le duc avait-il juré de lui prendre son héritage. Les sires de Langoiran et de Mussidan, qui s’étaient aussi engagés envers le roi de France, eurent à cœur de prouver leur loyauté en montant bravement à l’assaut de Duras. La place était bien fortifiée, bien défendue. Les soldats hésitaient. Du Guesclin fut obligé de promettre cinq cents livres à qui y entrerait le premier. Enfin cette malheureuse localité tomba au pouvoir des Français. Presque toute la population fut égorgée. Il n’y eut de sauvé que ce qui put se réfugier dans le château, très forte position qui dominait la ville et dont il fallut faire le siège. Le connétable, craignant que l’opération ne fût longue, était disposé à y renoncer. Mais le duc d’Anjou déclara qu’il ne partirait pas avant d’avoir le château, parce qu’il l’avait juré. Vous n’en serez pas dédit, lui dit Bertrand, qui fit aussitôt approcher ses engins des murailles. Du reste, les assiégés, terrifiés par ces préparatifs, consentirent presque aussitôt à capituler, et du Guesclin, qui leur en sut gré, demanda et obtint pour eux grâce de la vie. L’hiver approchait. La chevauchée fut rompue au commencement de novembre. Elle avait été constamment heureuse. En moins de quatre mois les Français avaient entièrement chassé l’ennemi du Périgord et de l’Agenais et reconquis une grande partie du Bordelais. Ils avaient pris cent trente-quatre villes ou châteaux, et les seules positions de quelque importance que les Anglais conservassent, en Aquitaine étaient Bordeaux, Bayonne, Dax, Bazas et Mortagne-sur-Mer. 5

Une autre version : Le siège de Duras dura dix jours ; il commença le 18 octobre 1377, et se termina le 27 du même mois. Les biens furent confisqués, et le château de Duras fut rasé par ordre de Charles V. Galhard de Durfort, deuxième du nom, avait épousé Eléonore de Périgord, fille de Robert-Bernard-Archambaud, comte de Périgord. Il eut de ce mariage Galhard de Durfort, troisième du nom, qui recouvra sous le malheureux règne de Charles VI, et grâce aux efforts du duc de Lancastre, toutes ses possessions de la Guienne, Blanquefort et Duras. 6

Il n’y a qu’un hôtel, dans un ancien couvent, l’Hostellerie des Ducs. Je réserve une chambre et une table pour le dîner, la carte est appétissante.

le soleil est revenu. Je fais le tour de la ville. Je croise Marguerite Duras (1914–1996), écrivaine, née Marguerite Donnadieu, dont le nom de plume est une référence à la ville de Duras.

Le château de Pardaillan est une forteresse médiévale du Xe siècle dont il ne reste aujourd’hui qu’une tour ruinée. Marguerite Duras (1914-1996) y séjourne pendant deux ans, entre ses 8 et 10 ans‚ dans la maison de son père (au Plantier).

Un excellent repas et au lit, les kilomètres se font sentir.