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De Sigoulès à Eymet

14 mai

Par Puyguilhem. Eymet est prise par Bertrand du Guesclin le 1er septembre 1377.

La propriétaire de la chambre d’hôte m’a oublié ? Elle devait me porter le petit-déjeuner vers 8 heures. Je me rends à la ferme et je rencontre son mari. Il est surpris de me voir. Ma femme est Alzheimer, à cette heure elle est chez son coiffeur, je ne sais pas à quelle heure elle revient. Celle-là on ne me l’avait jamais faite ! La journée commence bien, sourire !

Je vais prendre mon petit-déjeuner au Code Bar.

Une petite grimpette et voilà le château de Puyguilhem.

En 1338 est tiré, par le sénéchal de Guyenne, devant Puyguilhem assiégé, le premier boulet de canon de l’histoire occidentale d’après Jules Michelet. 1

Bertrand, seigneur de Puyguilhem est né en 1325. C’est le fils de Arnaud-Garcie de Goth, seigneur de Puyguilhem (- 1339). Son fils est également appelé Bertrand.

Perché sur une colline le château est entouré de quelques maisons occupées par des Anglais.

La construction du château démarre en 1513, commanditée par Mondot de La Marthonie. L’homme est un proche de François Ier et de sa mère Louise de Savoie. Il administre le royaume lorsque le roi est en guerre en Italie. 2

Il y a encore de beaux restes des murailles. Le château n’est pas ouvert à la visite.

Je reprends la route vers Eymet.

Là c’est le Périgord marron.

Les paysages sont variés, l’ombre est bienvenue.

Sainte-Eulalie-d’Eymet. 24
On distingue le haut de l’église Saint-Barthélemy.

Je traverse le petit bourg de Sainte-Eulalie-d’Eymet et m’arrête pour une pause près de la fontaine. Les cloches sonnent midi.

Alors que je fais une pause devant le portail d’une maison, un monsieur vient me voir et me propose un café, ou de l’eau. Il a l’air sympathique, je le suis dans l’allée qui mène à un pavillon. Plusieurs personnes m’accueillent dont une jeune dame, une Française. Elle m’informe que ce sont des Ukrainiens. Une Française hébergée par des Ukrainiens, c’est pas dans la logique actuelle ! On échange pendant 1/2 heure. Merci.

Voilà la bastide d’Eymet, vite une bière à l’ombre sous les arcades.

Les vestiges d’un rempart gaulois ont été mis au jour en 2021 au sud de la bastide, sur le plateau de Blis.

Au XIIIe siècle, le nord-est de l’Agenais est un pays de bois, une marche frontière du comté de Toulouse. Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis, est comte de Toulouse depuis 1249 par son mariage avec Jeanne de Toulouse, fille de Raymond VII de Toulouse. Il construit quatre bastides pour peupler la région : Monflanquin en 1256, Castillonnès en 1259, Villeréal en 1267 et Eymet en 1270. Le 4 décembre 1259, Saint Louis signe le traité de Paris avec le roi d’Angleterre Henri III pour arrêter le conflit. Par ce traité, le roi de France rétrocède au roi d’Angleterre la suzeraineté sur le Limousin, le Périgord, la Guyenne, le Quercy, la Saintonge, et l’Agenais si Alphonse de Poitiers, époux de Jeanne de Toulouse (héritière de l’Agenais et le Quercy notamment), meurt sans héritier. En échange, le roi de France recevra l’hommage féodal du roi d’Angleterre pour ses seigneuries en France et son renoncement à la Normandie, au Maine, à l’Anjou et au Poitou. Ce traité amène Alphonse de Poitiers à développer la construction des bastides.

Fin août 1271, Jeanne de Toulouse et Alphonse de Poitiers meurent. Le comté de Toulouse est réuni à la couronne conformément au traité de Paris de 1229. Le roi d’Angleterre exige l’application des clauses du traité de Paris de 1259. En application du traité d’Amiens, en 1279, le roi Philippe III cède l’Agenais, la Saintonge et le Ponthieu au roi d’Angleterre. 3

Alphonse de Poitiers, avait détecté cette qualité, lorsqu’il décide de fonder en 1270 une bastide en ce lieu. Ce passage obligé devenait ainsi au XIIIe siècle un verrou entre les territoires français et anglais. Lors de la guerre de Cent Ans, Eymet est une place anglaise commandée par Thomas Felton, assisté par bon nombre de chevaliers gascons, comme le seigneur de Duras, de Mussidan, Bérard d’Albret, seigneur de Langoiran, ainsi que le seigneur de Rauzan. Elle est assiégée et prise le 1er septembre 1377 par les troupes de Bertrand Du Guesclin. 4

Gilbert de Pellegrue dont la famille était seigneur de Soumensac et d’Eymet, pour garder ses terres envahies par l’Anglais accepte de servir Édouard III d’Angleterre.

Pellegrue, Pelagrua en gascon, est une bastide du XIIIe siècle.

La guerre reprend en 1368 et si en 1379, Gilbert de Pellegrue faisait encore hommage au roi d’Angleterre, dès 1380, Guillaume de Pellegrue (1350-1423) seigneur de Soumensac et d’Eymet sert la cause française. 5

La première mention écrite connue du lieu, Aymetum, date de l’an 1308, et la bastide est ensuite indiquée en 1360 sous la forme Bastida Emeti. La bastide d’Eymet avec ses rues qui se croisent à angles droits, sa place centrale, ses arcades, ses nombreuses maisons à colombages représente depuis 1968 un site inscrit sur 16 hectares.

Les Anglais, depuis 1374, avaient, à ce qu’il semble, regagné un peu de terrain dans le Bordelais. Ils étaient en outre fortement établis sur la Dordogne, où ils tenaient Libourne, Castillon, Sainte-Foy et Bergerac. C’est contre cette dernière place, qui commandait la moitié méridionale du Périgord, que le connétable et le duc d’Anjou dirigèrent principalement leurs efforts. Elle avait pour gouverneur un chef de bande fort célèbre, Bertucat d’Albret, qui ne se laissa point intimider. Plusieurs semaines s’écoulèrent. L’armée française s’accroissait sans cesse, mais le siège ne finissait pas. Du Guesclin eut l’idée d’envoyer chercher à la Réole une de ces machines appelées truies qui servaient à lancer d’énormes pierres et que cent hommes pouvaient à peine manœuvrer. Il chargea aussi plusieurs compagnies d’aller fourrager entre la Dordogne et la Garonne. Presque à égale distance de ces deux rivières se trouve le village d’Eymet, près duquel la troupe venant de la Réole et la cavalerie détachée se réunirent par hasard. Les deux bandes furent sauvées par leur rencontre même. Attaquées séparément, elles eussent sans doute été détruites. Arrêtées par le sénéchal de Bordeaux Thomas de Felton, qui, se portant sur Bergerac avec cinq cents hommes d’armes, avait fait halte à Eymet, elles lui livrèrent un combat sanglant qui tourna tout à leur avantage. Les Anglais furent entièrement défaits ; leur chef demeura prisonnier. Il en fut de même des quatre barons gascons de Mussidan, de Rosem, 6 de Langoiran et de Duras, qui marchaient avec eux. Cet engagement imprévu décida du sort de Bergerac. N’espérant plus recevoir de secours, puisque Felton était au pouvoir des Français, Bertucat d’Albret consentit à capituler (septembre 1377). 7

Gaillard II de Durfort est fait prisonnier avec Thomas Felton, sénéchal de Gascogne, lors d’une escarmouche en 1377, près d’Eymet. Durfort fut lui-même nommé sénéchal de Gascogne et exerça ses fonctions entre 1399 et 1415. Durfort mourut en 1422. 8

Felleton, qui était sénéchal de la Guienne, fut fait prisonnier dans une bataille qui se livra près d’Eymet, aux portes de Bergerac : il acheta sa liberté moyennant trente mille livres. 9

Eymet est une étape sur la via Lemovicensis.

De 132,4 km de longueur, le Drot naît près de Capdrot en Dordogne (Cap-Drot signifiant « tête du Drot ») à une altitude de 160 m. Il se jette dans la Garonne à Caudrot en Gironde (Cau-Drot : queue du Drot), à une altitude de 6 m, en aval de La Réole.

Le Drot ou Dropt matérialise du XIIIe siècle au XVe siècle la frontière - que l’historien Ch. Higounet a qualifiée de « frontière de tension » - entre fiefs des puissants comtes de Toulouse et des ducs d’Aquitaine - rois d’Angleterre. Les deux camps adoptent une stratégie de jalonnements frontaliers par la création de villes nouvelles sur le Drot, des « bastides » : bastides françaises de Castillonnès (1259), Villeréal (1267), Eymet (1270), bastides anglaises de Monségur (1265), Monpazier (1284). 10

Le Périgord et l’Agenais peuvent remercier nos rois de France et d’Angleterre de s’être fait la guerre. En effet toutes ces bastides et châteaux sont le résultat de ces conflits.

Je trouve une chambre d’hôte avec l’aide du directeur de l’assurance Allianz. C’est lui qui appelle les personnes de sa connaissance pour leur demander s’ils ont de la place. Les chambres d’hôte appartiennent principalement à des Anglais. Après 4 ou 5 appels il finit par trouver. Un grand merci.

Le couple des propriétaires est très, très accueillant, normalement ils étaient fermés. La chambre est magnifique. On discute et on sympathise, madame a vécu près de Monteneuf ! La terrasse est superbement aménagée, piscine, fleurs, allées de gravier. Ce n’était pas prévu mais on dîne ensemble, à la bonne franquette...la très bonne franquette, quelques bulles de Duras en apéritif, pour préparer l’étape de demain ! Un bel orage éclate, on ne quitte pas la terrasse. On se raconte nos parcours de vie. Une excellente soirée. Merci pour l’accueil. 11

Bonne nuit.