De Bussière-Galant à Thiviers
30 avril
Par Montcigoux, Vieillecour, Saint-Pierre-de-Frugie, La Coquille, Jumilhac-le-Grand. Une belle journée commencée avec le squelette d’Ernest.
Je raconte à la propriétaire de la chambre d’hôte ma soirée de hier et le comportement de mon compagnon du moment. Elle me dit « ce qu’il vous a donné, c’est maintenant à vous de le rendre à quelqu’un d’autre ». De la haute philosophie ! Je vais essayer. Le petit-déjeuner est copieux et varié. Je suis bien calé. Il est temps de se quitter. Au revoir et merci.
À Montcigoux je demande à une dame qui bricole dans son jardin où se situe le château. Une enfant d’une douzaine d’années me propose de m’accompagner. Elle me questionne, d’où je viens, où je vais. On arrive au château, elle n’y est jamais entré. Je l’invite à me suivre, la porte de la maison est entrebâillée, je frappe et demande s’il y a quelqu’un, une dame arrive, en robe de chambre. Elle s’excuse de sa tenue. Elle nous emmène dans la tour et nous montre un squelette dans une petite boite en forme de cercueil. C’est Ernest. La propriétaire nous résume l’histoire. La jeune fille ne dit pas un mot.
En 1913, sous le plancher d’une dépendance est découvert un squelette humain, que les habitants du canton nomment « Ernest », d’après le prénom d’Ernest Pagnon de Fontaubert, ancien propriétaire parti en 1850 avec sa sœur Ernestine chercher de l’or en Californie. À son retour en 1865, selon la légende, il aurait été tué à coups de hache par son frère Arthur.
En 2013, l’historien amateur Bernard Aumasson remet en cause la légende. En 2019, il demande à un laboratoire d’analyse d’objets d’art et de patrimoine culturel, le Ciram à Martillac en Gironde, d’effectuer une datation au carbone 14 d’un échantillon osseux du squelette pour essayer de préciser la période de sa mort. Les résultats indiquent que le squelette date de la période entre 1278 et 1388. 1
La rumeur était belle, finalement Ernest est mort pendant la Guerre de Cent Ans. Sacré Ernest ! Et toi, Bertrand, ça te dit quelque chose, ça ne serait pas un de tes compagnons qui l’aurait trucidé ?
Du château de Montcigoux, du 12ème siècle, autour duquel une bataille oppose Anglais et Français durant la Guerre de Cent Ans, ne subsiste aujourd’hui qu’une tour ronde à laquelle est juxtaposée une chartreuse du 17ème siècle. 2
Nous remercions la propriétaire de cette belle visite guidée, elle s’excuse de nouveau pour sa tenue.
Avec la jeune fille nous nous séparons, je dois revenir à Bussière-Galant. Je crois qu’elle se souviendra de cette visite au château. La journée sera belle, elle commence bien.
Je quitte la Haute-Vienne et entre en Dordogne, en Périgord vert. La Dordogne prend naissance sur les flancs du puy de Sancy - 1 885 m - dans la chaîne des monts Dore, par la réunion de deux torrents, la Dore et la Dogne. Le saviez-vous ?
Je passe par le village de Vieillecour d’où j’ai un beau point de vue.
Dommage que le château ne soit pas ouvert au public. Quelle chance tout de même d’y rencontrer Richard Cœur de Lion et Bertrand.
Après avoir été grièvement blessé au siège de Châlus, Richard Cœur de Lion, aurait trouvé refuge au château de Vieillecour en 1199, six jours avant de mourir.
En 1372, lors de la guerre de Cent Ans, Bertrand du Guesclin installe sa garnison pour plusieurs semaines au château de Vieillecour, après avoir repris Saint-Pierre-de-Frugie aux Anglais. 3
Il est midi, sous un soleil écrasant. Je ne croise personne, les habitants sont cachés, seules les sculptures déambulent tranquillement.
Le forgeron ne frappe plus son enclume.
C’est la sécheresse, les seaux sont vides.
L’église est blanche de soleil.
Située sur l’un des cinq chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, c’est dans cette paroisse que l’on donnait aux pèlerins une coquille Saint-Jacques, d’où le nom de « La Coquille » et l’emblème qui lui est lié.
Après être allé chercher quelques victuailles au supermarché, je rejoins un parc avec une aire de jeux pour enfants, où je m’étale pour une petite sieste à l’ombre. À proximité des pompiers font une petite fête. Je quitte La Coquille vers 15 heures.
Les paysages sont magnifiques, au moulin un homme passe sa tondeuse. Il est concentré, je ne parviens pas à lui faire détourner son regard vers moi. Tant pis, aucun échange possible.
Une sécheresse se prépare, certains trouvent des solutions novatrices.
Les montées sont longues.
Je suis cuit, un jeune homme s’arrête, encore la chance, il travaille au bar-restaurant Lou-Boueiradour et après quelques minutes me dépose devant. Il est 18 heures. Le château est à contre-jour. Je cherche un hébergement, pas de chambre d’hôte, le camping me demande de passer immédiatement, je n’en ai pas envie. Les propriétaires du bar et des amis prennent copieusement des bières puis des apéritifs, l’ambiance est chaleureuse.
Au Moyen Âge, la paroisse de Jumilhac est divisée en trois seigneuries distinctes : celle de la famille de Bruchard (Bruchardie), celle de la famille de La Porte et celle de la famille Teyssières. Au 14ème siècle ne restent plus que les seigneuries de Bruchardie, dont le château était à l’emplacement du château actuel de Jumilhac, et de La Porte, dont le château se confrontait au cimetière, au chemin de l’Église au pont du Mur.
Le château actuel a été bâti aux 13ème et 14ème siècles, remanié à la Renaissance et restructuré aux 17ème et 18ème siècles sur l’emplacement d’un ancien château-fort connu dès le 12ème siècle. 4
En 1370, Bertrand du Guesclin assiège la Bruchardie et en chasse les troupes anglaises après dix années d’occupation. 5
Vers 19 heures, soyons prudent, je dîne et je décide d’aller voir plus loin. Je chemine en direction de Thiviers qui est à une vingtaine de kilomètres, j’avance en essayant de repérer un bon endroit où, le cas échéant, je pourrai suspendre mon hamac. La nuit à la belle étoile ne sera pas pour ce soir, une jeune femme en voiture, étudiante, en fin d’études de psychologie, se rend à Périgueux. Elle me dépose près du centre. Merci.
L’Hôtel de France et de Russie a une chambre, la dernière. Il est tenu par des Anglais, c’est très chic. Tu vois, Bertrand, les Anglais aiment la région, ils sont revenus. 6
Je prends un dernier rafraichissement en terrasse. Et hop, au lit, je suis vanné.