aller au contenu

De Saint-Yrieix à Pierre-Buffière

6 mai

Par Château-Chervix, Ségur-le-Château, Payzac, Angoisse, Château-Bouché. Je récupère ma voiture et visite les sites où mes pieds devaient me mener.

La nuit a été excellente, je me lève tôt et prends le départ vers 8 heures. Ciel bleu et soleil. La tendinite ne disparait pas. Je sors de Saint-Yrieix et claudique jusqu’au rond-point où est fléché Pierre-Buffière, 30 kilomètres. Le monsieur qui s’arrête a 55 ans, il a travaillé dans des mines d’or, dans le Maine et dans la région. Ensuite il a été ramasseur de produits médicaux pour des laboratoires. Actuellement il se charge d’entretien extérieur.

Il me dépose après 10 kilomètres, à un carrefour riche en informations sur le passé local.

Pas de mine d’or. À partir du 5ème siècle av. J.-C., les Gaulois Lémovices exploitent une dizaine de mines d’or dans le nord de la commune actuelle. Deux villages peuplés par des mineurs ont aussi été retrouvés dans la commune, au sein du district minier de Saint-Yrieix-la-Perche. L’exploitation de ces mines est arrêtée après la conquête romaine. 1 Est-il prévu de les ouvrir de nouveau ?

À La Roche-l’Abeille, le 25 juin 1569, l’armée protestante de l’amiral Gaspard de Coligny affronte et bat celle du duc d’Anjou, sur la lande de Saint-Laurent, sans que la bataille soit décisive. Agrippa d’Aubigné et le futur Henry IV y participent. 2

Bernard Gui - de son vrai nom Bernard Guidoni, nom latin Bernardus Guidonis - dominicain français, évêque de Lodève et de Tui - Galice, en Espagne - est né en 1261 à Royère, ancien chef-lieu du village. Il a été surtout rendu célèbre par son rôle d’inquisiteur de l’hérésie en Languedoc. Il est l’un des principaux personnages du roman Le Nom de la rose d’Umberto Eco.

De Saint-Yrieix à Pierre-Buffière. 87
Je me rapproche, encore 20 kilomètres.

Ensuite je rencontre un curieux, un peu rustre, mais sympathique, qui me pose des tas de questions. La route défile, on se quitte au pied de Pierre-Buffière. Merci.

Pierre-Buffière. 87
Un monsieur un peu curieux m’amène à destination.

Je me rends à l’Auberge Dupuytren où je récupère ma voiture. Un petit café, et je repars pour découvrir les lieux que j’ai ratés du fait de mon retour accéléré.

Dans un périmètre très proche, trois châtellenies vicomtales nous renvoient aux vicomtes de Limoges qui y possèdent en propre des territoires et divers droits, il s’agit de Châlucet, Château-Chervix et Masseret.

Château-Chervix. 87
Imposant même à contrejour.

La tour de Château-Chervix est l’ancien donjon d’un château fort construit par les vicomtes de Limoges au 12ème siècle, puis détruit. Ce donjon, appelé « La Tour », culmine à 418 m d’altitude, point le plus haut de la région, et mesure 32 m de haut. Le donjon roman a été surmonté au 14ème siècle d’un rehaussement avec mâchicoulis de type alternés. Il fait partie des donjons quadrangulaires les mieux conservés. Sur la face sud se situe la porte d’accès principal située à 7,30 m du sol.

Les Anglais s’en emparent deux fois, en 1356 et en 1380. 3

Château-Chervix. 87

D’après une revue d’une association locale : Jeanne de Penthièvre cède Château-Chervix à Charles V en 1369 qui lui rend en 1375. Les troupes anglaises en sont chassées après 1380 par Louis de Sancerre.

Château-Chervix. 87
Une tour majestueuse à l’accès bien entretenu, félicitations.
Château-Chervix. 87
Château-Chervix. 87
Église Saint-Sylvain-du-Château.
Coussac-Bonneval. 87
Un Guillaume de La Marche de Coussac est signalé en 1345. (Arch. dép. des Pyrénées-Atlantiques, E 863).

La motte castrale du château de Bré est au hameau de Bret. L’ancienne forteresse est implantée sur le versant méridional d’une colline qui domine la vallée de la Boucheuse. Elle change plusieurs fois de seigneurs : les vicomtes de Limoges en font don aux Maulmont dont les héritiers l’échangent vers 1307 avec le roi Philippe V contre la seigneurie de Tonnay-Boutonne. Philippe V en fit don à son bouteiller Henry de Sully en 1317. Acquise par la famille Aubert qui la conserve 130 ans, la seigneurie est vendue par la veuve de Jacques Aubert, Catherine de Chaseron, à Geoffroy Hélie de Pompadour en 1490. 4

Je déjeune à l’Hôtel des Voyageurs, je m’offre un excellent onglet de bœuf limousin.

Coussac-Bonneval. 87
Le Bré, site du château disparu.
Coussac-Bonneval. 87
La motte du château de Bré ?

Je repasse par Ségur-le-Château.

Ségur-le-Château. 19
Les toitures transpercent la forêt.
Ségur-le-Château. 19
L’Auvezère et le château.
Ségur-le-Château. 19
La maison du bottier.

En 1372, Bertrand du Guesclin, avec le concours de Gauthier de Payzac et Louis de Sancerre, fait le siège de Rochechouart, Chalucet, les Cars, Courbefy et autres châteaux. 5

Payzac. 24
L’église de la Transfiguration.

Je rejoins Château-Bouchet et le seigneur de la Marche à Angoisse.

Angoisse. 24
L’église Saint-Martin, de styles roman et gothique, bâtie en granit.

Au début du XIIe siècle les Templiers achetèrent ou reçurent le domaine du Bouchet, une forteresse avec un donjon muni de quatre tourelles crénelées de machicoulis, avec fossés en eau alimentés par un ruisseau qui se jette dans la Loue. Le pont-levis qui enjambait les fossés, repliait ses montants sur la tour d’entrée carrée. 6

Plusieurs sénéchaux sont des serviteurs des ducs et plutôt proches de Bertrand du Guesclin, qui conduit la reconquête du Limousin pour le roi Charles V :

  • Hue de Carentec, sénéchal en 1359-1361 (peut-être jusqu’en 1365 ?) et Maurice du Parc, sénéchal au début des années 1370, chevaliers, assistent au traité entre Jean IV et Charles de Blois, le 26 novembre 1363, à Poitiers, avec Robert Knolles.
  • Maurice du Parc, chevalier et chambellan du roi en 1373 et son gouverneur royal de La Rochelle, est un personnage alors fort réputé : il a été l’un des protagonistes du combat des Trente, en 1350, chambellan de Charles de Blois, puis l’un des lieutenants de du Guesclin .
  • Thibaud du Pont, sénéchal de la vicomté (pour le roi ?) en 1374, est un proche de Bertrand du Guesclin, qu’il seconde dans la reconquête du Limousin : en 1370, Thibaud est capitaine de Rochechouart, où il agit encore en novembre 1373. 7
  • Quant à Henri Le Bart, sénéchal en 1375, il pourrait être lié à une famille connue dès le 13e siècle dans l’entourage du prince avec Geoffroi Le Bart, sénéchal ducal de Dinan en 1258, de Ploërmel en 1261-1262 puis de Broërec, et toujours vivant en 1273. Le sénéchal (ou son fils ?) aurait épousé Marie de Bonneval, fille de Jean III, chevalier de Coussac, le 16 juillet 1399 
Angoisse. 24
Château Bouché.
  • Guillaume de La Marche, signalé dans le compte de l’hôtel du duc Jean II pour le voyage de Lyon en 1305, était l’un des décideurs pour l’exécution des funérailles du duc Jean II à Lyon et à Ploërmel à la fin de l’année 1305 ; il est largement évoqué – lui ou son fils homonyme – comme sénéchal et gouverneur dans le compte de Pierre Molin le jeune, receveur pour la vicomté de Limoges en 1344-1347 ; il est encore mentionné dans les années 1346-1347...

Les Bretons qui nous intéressent ici sont connus comme seigneurs de La Marche en Bédée (Ille-et-Vilaine), au diocèse de Saint-Malo, et de la Boëssière (Carentoir, Morbihan), au diocèse de Vannes. Le sénéchal vicomtal des années 1345-1351 doit être le fils de Guillaume de La Marche, qui scella de son sceau une quittance donnée aux exécuteurs testamentaires du duc Jean II en 1306 : d’azur au dextrochère vêtu d’un fanon d’argent, tenant une fleur de lys de même. Il témoigne en 1341 dans l’enquête sur la succession de Bretagne, participe au combat des Trente en 1350 et semble mourir en 1352. À partir de 1332, en 1338 puis en 1344, il est dit « senhor de Chastelboschet » et assure la juridiction gracieuse dans sa seigneurie. Il est devenu seigneur de cette terre par sa femme, Jeanne, probable fille d’un autre Breton, Bonabius lo Bornhes, connu comme « dominus de castro Boscheti » en 1324-1329. En mars 1351, Jeanne, duchesse de Bretagne, vicomtesse de Limoges, dame de Guise, qualifie Guillaume de La Marche comme « son cousin  ». Mais ce mariage entre les Le Borgne et les La Marche, Bretons expatriés, ne laisse qu’une fille, Constance de La Marche, qui, par son union avec Ramnulphe Hélie de Pompadour en 1364 lui apporte cette terre . Feu Guillaume de La Marche, jadis chevalier du diocèse…. Constance est probablement sœur de Jean († 1380) et de Jeanne de La Marche, héritant des possessions bretonnes, cette dernière mariée au vicomte de Fronsac.
Feu Guillaume de La Marche, jadis chevalier du diocèse de Saint-Malo (Macloviensis) et seigneur du château de Châteaubouchet, est évoqué dans un acte de décembre 1366 (Arch. nat., 14 AP 1, n° 5). 8

Angoisse. 24
Château Bouché. Il n’y a personne pour m’accueillir, dommage.

C’est Ranulphe Hélie de Pompadour (1320-1399) marié à Constance de la Marche qui installera sa lignée à château Bouchet. Leur fils Ranulphe III seigneur de château Bouchet (1370-1411) épouse en 1399 Marguerite de Maulmont. Geoffroy leur fils épouse Marguerite de Lasteyrie du Saillant et leur fils Jean épouse en 1500 Louise de Combron… tout ceci pour arriver à l’alliance revendiquée par les seigneurs de Maschat par le mariage de François de Maschat de la Meschaussée en 1526 avec Françoise de Pompadour, fille de Jean et de Louise. Dés lors, les de Maschat de Pompadour ajouteront à leur blason celui des Lastours. Aujourd’hui Château Bouchet n’a conservé que la tour carrée du XIVe siècle à laquelle un toit en ardoises a été ajouté. Deux blasons figurent au-dessus du porche d’accès celui des Maschat-Pompadour à gauche et celui des Lastours à droite. Château Bouchet est une propriété privée. Ne se visite pas. 9

Angoisse. 24
Château Bouché. Blason des Maschat-Pompadour à gauche et des Lastours à droite.
Angoisse. 24
Château Bouché noyé dans les arbres.
Angoisse. 24
Château Bouché surplombe la vallée. .

À Saint-Yrieix, j’achète l’ouvrage de Roger-Pol Droit et Yves Agid, Je marche donc je pense. Je rejoins Pierre-Buffière et le pape Pie VII.

Pie VII est élu le 14 mars 1800 après 104 jours de conclave et 197 jours après la mort de Pie VI. C’est le plus long siège vacant depuis 1415. Il prend le nom de Pie VII en hommage à son prédécesseur, surnommé le « pape martyr ».

Pierre-Buffière. 87
C’est là que je passe la nuit !

Le Souverain pontife refuse d’adhérer au blocus continental exigé par Napoléon, considérant que sa charge de pasteur universel lui impose la neutralité.

Il excommunie Napoléon le 10 juin 1808, ce qui lui vaut d’être arrêté par le général Radet le 4 juillet 1809. On le fait monter dans un carrosse escorté par des gendarmes et on le conduit, prisonnier, à la chartreuse de Florence, puis à Alexandrie et à Grenoble. Amené ensuite à Savone, le pape y est gardé à vue, comme un véritable prisonnier d’État jusqu’en juin 1812.

La situation redevient tragi-comique en février 1810 lorsque Napoléon exige d’annuler son mariage.

Le 19 janvier 1814, Napoléon, forcé par sa situation politique de plus en plus difficile en Europe, restitue ses États au pape.

Le 23 janvier, Pie VII quitte le château de Fontainebleau, et les cardinaux libérés, pour certains, ou d’autres encore exilés dans diverses villes françaises jusqu’à la chute de l’Empire.

Pie VII traverse la France, où de toute part les foules des villes et des campagnes accourent et se mettent à genoux au bord de son chemin.

Il est mort le 20 août 1823 à Rome. 10

Pierre-Buffière. 87
Il a dormi comme un ange, moi aussi.

Quelle époque et quelle aventure pour Pie VII ! Aujourd’hui, avec un nom pareil, il ferait le buzz sur les réseaux sociaux !

Je passe à table, cochon, nougat glacé, et un verre de Bordeaux pour le dernier jour.