De Pierre-Buffière à Monteneuf
7 mai
Par Montmorillon, Saint-Savin-sur-Gartempe, Angles-sur-l’Anglin, Ayron. C’est la fin de la promenade et l’heure du bilan.
Je pars vers 9 heures.
En 1372, Bertrand Du Guesclin mène la reconquête des provinces françaises sous domination anglaise depuis le traité de Brétigny-Calais de 1360. Avec 3 000 hommes aguerris, il entre en Poitou. Le premier assaut est donné contre le château de Montmorillon, « mal défendu, dont la garnison anglaise mal commandée ne pouvait opposer ni une longue ni une sérieuse résistance ». Les soldats de Du Guesclin s’en emparent et « passèrent tous les défenseurs au fil de l’épée ». De nouvelles fortifications sont dressées en 1374 ou 1375. 1
Fort de ce succès, Du Guesclin tourne ses lances vers Chauvigny puis Lussac. « Ces deux places, effrayées du traitement fait à ceux de Montmorillon demandèrent aussitôt à capituler et furent reçues avec tous les honneurs de la guerre, indique Guillaume-François Guyard de Berville, biographe de Du Guesclin en 1767. De là, le connétable parut devant Poitiers et il y jeta une si grande terreur qu’il l’aurait emporté s’il en eut fait le siège. [Mais] son projet présent était d’attaquer La Rochelle ».La flotte alliée espagnole n’étant pas là, il revient en fait vers Moncontour, prise en une journée. Du Guesclin y relève les murailles et y stationne une solide garnison. 2
La guerre de Cent Ans sonne le glas de la prospérité du monastère qui change plusieurs fois de main. En 1371, le Prince Noir met à feu et à sang le monastère.
L’intérieur est orné de peintures murales datant des 12ème et 13ème siècles qui font la célébrité du lieu. 3
Le premier château de pierre est construit par un évêque de Poitiers, Gilbert (975-1020), sur l’escarpement rocheux dominant la rivière. Au 14ème siècle, c’est la famille d’Oyré qui défend le château pour les évêques.
Guichard III, seigneur d’Angles est nommé sénéchal de Saintonge durant la guerre de Cent Ans puis maréchal de Guyenne quand le Poitou devient anglais en 1356. 4

Un de ses membres, Guichard IV, est célébré pour ses exploits à la bataille de Poitiers en 1356, du côté de Jean le Bon, qu’il défend vaillamment. Il combat ensuite sous le commandement du Prince Noir, ayant reçu l’ordre du roi de France d’obéir à son nouveau suzerain. Il reçoit l’Ordre de la Jarretière et devient gouverneur du fils du Prince Noir.
Il embellit son château, qui prend le nom de château Guichard.
Le 23 mai 1372, Bertrand Du Guesclin assiège et prend le château - que le capitaine Pierre Gedoin lui cède gracieusement - , et le village est ruiné. Les évêques de Poitiers sont ensuite les seuls seigneurs du château. 5
Le château d’Ayron a été construit à la fin du 15ème siècle sur la base d’un « hébergement » plus ancien. Il conserve des éléments défensifs comme les meurtrières et les tours d’angle mais affiche sa fonction résidentielle avec ses baies de style flamboyant réparties régulièrement. 6
Fin du voyage.
J’ai fait de très belles rencontres, mon chauffeur de Bussière-Galant qui me paie le diner, le squelette d’Ernest à Montcigoux, la propriétaire de Saint-Aulaire qui m’invite à déjeuner, les antiquaires-brocanteurs d’Excideuil, l’aide soignante de Comborn qui m’offre le café, la dame écolo de Ségur, et toutes celles et ceux qui m’ont véhiculé aimablement. Des échanges amicaux, sans lendemain, en toute sincérité comme si on se connaissait de longue date, des moment extraordinaires.
Et puis il y a les morts, Dupuytren, Mirabeau, les papes, Freyssinet, ceux des guerres mondiales, Philippe-Auguste Jeanron, Bernard Gui, l’amiral de Coligny et évidemment Bertrand du Guesclin, Louis de Sancerre, Arnoul d’Audrehem, Édouard de Woodstock. Ils me parlent de leur vie, de leurs découvertes, de leurs exploits, dans les lieux où ils ont vécu.
Et toutes ces familles et châteaux de Limoges, Châlucet, Les Cars, Lastours, Montcigoux, Vieillecour, Jumilhac, Excideuil, Hautefort, Badefol, Ayen, Comborn, Ségur, Coussac-Bonneval, Bré, Saint-Yrieix, Château-Chervix, Château Bouchet...
Les paysages sont très beaux, les dénivelés épuisants, la verdure et l’eau omniprésentes, les petites routes très agréables, les vaches limousines et autres races accueillantes, les chiens pas trop agressifs, les églises fraiches et reposantes. J’ai essayé de faire quelques belles photos pour vous entrainer dans cette balade.
Sur le plan marche, ça n’a pas été une réussite. Je reviens avec un pied gauche en mauvais état, est-ce la faute au manque d’entrainement, à une première journée trop longue, 30 kilomètres, à trop de dénivelés, à l’âge ? Au moment où j’écris ces lignes, voilà presque 3 mois que je me frictionne à la pommade et que ça commence à aller mieux, mais pas totalement bien. J’ai parcouru environ 150 kilomètres à pied, la moitié de ce que j’avais prévu.
Depuis 2015, début de ma quête pédestre sur les traces de Bertrand du Guesclin, j’ai parcouru environ 2050 kilomètres, passé 90 nuits en hôtel, chambre d’hôte ou à la belle étoile, et pris plusieurs milliers de photos.
Si vous voulez vous triturer les neurones, alors lisez ce livre, il est philosophique et technique. Il y a quelques bonnes pensées à méditer à propos de la marche : « Pourquoi ce faire mal pour se faire plaisir ». Je ne regrette pas ma tendinite, elle a modifié mon voyage mais elle en faisait partie. Et « La marche libère le cerveau qui alors pense tout seul. » C’est vrai que par moment on a l’impression d’être devenu un esprit, c’est comme cela que l’on s’oublie et que l’on se fait mal. J’élucubre un peu : lorsque je marche, j’oublie que je pense, et lorsque je pense, j’oublie que je marche. À méditer. Effectivement on peut se faire mal à ce jeu là. Avec ma tendinite arrivée sans y penser je le constate : je marche donc je penche.
Salut Bertrand, ça a été une très bonne semaine. J’ai eu beaucoup de plaisir à te revoir ainsi que tous tes compagnons du moment.
À l’année prochaine.